vendredi 13 mars 2009

Pour un athéisme féministe, plaidoyé pour le libre choix des femmes

En 1975, Simone Veil fit adopter une loi permettant l’interruption volontaire de grossesse. Ceux qui ont pu voir les images d’archives des débats peuvent se souvenir de cette femme tenant tête à tous ces hommes. Les propos et les insultes qui lui furent adressés furent d’une rare violence. On aurait pu croire que la loi passée, le débat se serait calmé.


Mais il n’en est rien. Les anti-avortement n’ont jamais reconnu cette loi et n’ont eu de cesse de lutter pour la faire abolir. Il suffit de se promener sur Internet pour voir de nombreux sites, auto qualifiés « pro vie », remettant en question le droit à l’avortement. Il ne nous faut pas longtemps pour se rendre compte que ces sites sont réalisés par des groupes religieux. La lutte contre l’avortement, si elle veut nous faire croire qu’elle se déroule sur le terrain de l’éthique, se fait surtout sur celui du religieux. Ces personnes ne s’en prennent pas uniquement à l’avortement. L’euthanasie, la contraception, le mariage gay, la liberté des femmes … Tous les acquis sociaux font bien souvent l’objet de leurs griefs. Soyons lucide : c’est bel et bien la laïcité qui est remise en question. Comme à son habitude la religion renvoie la femme à un statut de mineur, incapable qu’elle serait de décider pour elle-même.


Les diatribes contre la société moderne vont bon train. Le féminisme (et donc les femmes), l’humanisme même pour les plus illuminés, seraient coupables de toutes les dérives de notre époque. Sans vergogne, ces fondamentalistes oublient qu’en même temps, ils clament que l’humanisme n’est qu’un dérivé du Christianisme, qu’il en reprend les valeurs. Ils réécrivent l’histoire. A les croire, c’est à partir de la révolution féministe ou de la révolution française (au choix selon le degré d’intégrisme) que le monde est parti à la dérive. Avant ces évènement pas de meurtres, pas de délinquances ? Pas de mère célibataire, ni de famille recomposée dans ce monde idyllique où le taux de mortalité équivalait à celui des pays les plus dévasté d’Afrique ? Pas d’avortement à l’époque où « les faiseuses d’ange » étaient exécutée au nom du respect de la vie ? Encore ce mythe du paradis perdu, outillage sémantique servant de grotesque massue aux conservateurs de tous poils !


Ce qui désole tous ces intégristes n’est pas l’avortement en soi, mais plutôt la perte de contrôle sur le corps des femmes. Ne pas permettre aux femmes de gérer leur fécondité (par le refus de la contraception), leur imposer des grossesses non désirées, c’est contrôler à la fois le libre arbitre des femmes, leurs pulsions et leur intimité. C’est bien cela qui est recherché : dominer les pulsions, annihiler l’intime.

Quelle meilleure arme pour contrôler une personne que de s’en prendre à ses pulsions, à son intimité ? C’est maîtriser chaque partie de sa vie.

Dans la construction chrétienne de la famille, la femme est le point centre, en tant qu’entité reproductrice et en tant que point central et sédentaire d’une entité qui tend naturellement à se disperser. C’est elle qui s’occupe de l’éducation par sa valeur d’exemple et sa proximité. Quand le mari rentre du travail, c’est non seulement vers une famille (chrétienne) qu’il revient, mais aussi vers le religieux.


La lutte contre l’avortement est le recours à la valeur conservatrice : famille. (Au passage, les religieux devraient comprendre que leur laïus « travail, famille, patrie », (ou église, cela revient au même), a triste résonance chez nous, et que leur nostalgie est suspecte.) Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que en luttant contre l’avortement, la religion ne cherche qu’à mieux contrôler la femme, en tant que pivot centrale de la famille nucléaire.


Penchons-nous maintenant sur ce qu’est l’avortement. Cette interruption d’un processus biologique,( j’essaye d’apporter la définition la plus neutre possible), n’est pas un meurtre. Selon la loi, un meurtre est le fait d’ôter la vie intentionnellement à un être humain. Seulement, on ne devient un être humain qu’à la naissance. Le statut juridique de personne physique débute à la naissance Bien sûr, cette définition de la personne est subjective. Mais il est impossible de définir objectivement le début de la vie car ce dernier n’existe pas ; c’est une conception fausse de ce qu’est la reproduction. L’ovule est vivant, le spermatozoïde également. Leur rencontre, ainsi que le processus qui en découle ne sont le début que d’une certaine entité. Celle-ci non plus n’est pas simple à définir. Car elle n’est pas fixe. Elle n’est que constante promesse de ce qu’elle va être. La vie est le contraire de l’immobile, elle n’est que constante mutation. Dans ce cas, il est clairement impossible de définir le « commencement de la vie ». Il faut donc décider arbitrairement du début légal de la vie humaine. Pour ce faire, il ne faut pas oublier que cette définition aura un statut contraignant. Si les religieux décident arbitrairement que la vie humaine commence avec le spermatozoïde, Il n’en reste pas moins qu’établir le début de la vie humaine à la naissance est le meilleur choix possible. Cela permet à chacun de décider. Si quelqu'un décide que la vie commence à la conception, cela ne lui est alors pas interdit. Mais si une autre personne décide que celle-ci commence à la naissance, au sixième mois de grossesse ou que sais-je encore, il en aura tout autant le droit.


Face au « pro vie » nous ne trouvons pas des pro avortement, nous trouvons des pro choix. Pour ces personnes, dont je fais partie, il n’est pas question d’obliger qui que ce soit à avorter. Etre pro choix ne signifie pas considérer l’avortement comme un contraceptif. Tout ce que nous exigeons, c’est la liberté de choisir. Mais il semble que la liberté a encore bien des ennemis. Il semble que le droit de choisir parait bien indigeste à certains, nostalgiques sans nul doute de régimes autoritaires ou de théocraties dévolues, bien sûr, à leurs dieux à eux.

Jamais, je dis bien jamais, je n’ai vu ces gens se battre pour un meilleur accès à la contraception. Chose bien étonnante car c’est sans doute le meilleure moyen d’éviter l’avortement. Pourquoi, si l’idée d’avorter les choque tant, ne se battent-ils pas pour la mise en place de meilleures structures d’aide aux femmes qui ne désirent pas avorter ? Il faut bien sûr que des alternatives existent à l’avortement (adoption, aides aux mère….), car une IVG doit rester un choix librement consenti.


Penchons-nous maintenant sur les méthodes de propagande des « pro vies ». Ces personnes persuadées d’être si éthiques ne reculent pourtant devant rien. Tout est bon tant que cela sert leur cause. Ainsi, sur différents sites « pro vie » nous pouvons lire les témoignages de femmes ayant avorté. Ces femmes racontent à quel point cela fut douloureux pour elles. Il est vrai qu’à lire leurs histoires, il serait indécent de remettre en question leur souffrance. Cependant, on peut aisément voir à quel point ces dernières sont manipulées. Ces femmes sortent d’expériences affreuses (viol, violence, pauvreté…). Comment attribuer leur traumatisme à l’avortement seul et non aux expériences douloureuses de leur passé. ? Elles ont bien souvent trouvé secours dans une religion, ce qui implique une culpabilisation de l’avortement. La plupart de ces avortements étaient bien souvent imposé par la famille ou autre. On ne parle jamais de toute ces femmes qui ne culpabilisent pas, sinon pour les insulter. On parle de traumatisme tardif, ce qui permet de lier n’importe qu’elle dépression à l’avortement sans que le lien de cause à effet n’ai jamais été établi. On ne parle jamais de femmes qui on eu à subir leur grossesse, ni des traumatismes que cela a occasionné pour elles et pour leurs enfants.


La manipulation d’image est omniprésente. On peut voir nombres de bébés mort-nés, des fœtus presque à terme à côté de textes parlant d’avortement durant les première semaines de la grossesse. On agrandit des photos de fœtus pour les faire passer de quelques millimètres à plusieurs centimètres. Un film appelé « Le cri silencieux » fait passer des avortements tardifs datant de 1983 pour ce qui ce passe dans nos hôpitaux. On se demande par ailleurs pourquoi les commentaires de ce film cherchent tant à nous influencer (le mot « bébé » est répété toutes les dix secondes), puisque selon les « pros vies », les images parlent d’elles-mêmes.

Où sont les « pros vies » quand des femmes meurent d’avoir à se faire avorter dans la clandestinité ? Le choix de ce nom : « pro vie » est déjà manipulateur. En effet, ils veulent implicitement l’opposer à « pro mort », terme qu’ils n’hésitent pas à utiliser au besoin.


L’avortement est le fruit d’un choix. C’est celui de la qualité d’une vie sur « la » vie à tout prix. C’est l’affirmation du moi sur le « tu dois » d’une société encore si prompte à brimer les femmes, à les nier dans leur identité. Car l’identité féminine n’est pas plus celle d’une reproductrice que l’identité masculine. C’est quelque chose de flou, de complexe et surtout de divers. Comme pour les hommes, c’est à chaque femme de se trouver, d’où l’importance d’affirmer et de réaliser pleinement leur émancipation. L’aventure humaine peut être belle, pour cela, il nous faut avoir soucis de la liberté de l’autre. La vie ne peut être vivable pour tous que dans l’affirmation de l’existence de l’autre, le respect de son intégrité, et par là même celui de ses choix.

2 commentaires:

I a dit…

Moi j'aime particulièrement l'idée pro-vie. On ne tue pas de bébés et on s'organise pour que les gens qui devraient être morts depuis longtemps vivent et souffrent le plus longtemps possible.

On me dit qu'il ne faut pas jouer à Dieu. Qu'il n'est pas de notre ressort, en tant qu'êtres humains, de décider quel bébé verra le jour et quel autre restera à tout jamais à l'état de crevette. Mais on appuie l'idée de garder grand-papa branché à ses machines.

La dernière fois que j'ai regardé, Dieu était supposé décider de donner la vie et de l'enlever quand bon lui semble. Alors c'est jouer à Dieu que d'empêcher la mort non? On me dira que la mort est inévitable de toute façon et ça ne changerait pas ma vision.

Ça ne changerait pas ma vision parce qu'au nom de la religion, on peut enlever la vie à nos ennemis, même aux enfants des autres. Alors que personne ne me dise que l'avortement c'est jouer à Dieu. Vous êtes trop occupés à jouer à Dieu, selon votre propre définition, pour même comprendre votre propre définition.

Oui, c'est sûr que c'était mieux quand les opprimés n'avaient pas de voix.:)Ça me fait rire cette idée.

Je crois que puisque l'avortement est si mal et que de toutes manières y'a que les traînées irresponsables qui tombent enceinte sans le vouloir, on devrait le rendre illégal. On devrait aussi, en parallèle, puisqu'on n'est pas mysogynes et qu'on aime les femmes en tant qu'êtres humains, leur donner de nouveaux droits. Le droit de ne pas être violée, le droit de ne pas être victime d'abus divers et d'inceste, le droit de ne pas faire de mauvais choix par moments, le droit de ne pas avoir d'accidents, le droit d'avoir des méthodes contraceptives qui sont sans failles, le droit de ne jamais douter de leurs capacités parentales, le droit de ne jamais se faire planter là par des pères pas prêts à êtres pères, le droit de toujours avoir des conjoints qui partageront l'éducation des petits, etc. Bref, on devrait leur donner le droit d'être parfaites et de ne rien vivre de négatif ou d'imprévu qui vienne de l'extérieur. Comme ça, elles auraient toujours le droit de ne pas gâcher leur vie et celle d'un être innocent parce que la grossesse n'était pas désirée.

monisme a dit…

Je suis tout à fait d'accord avec vous, merci pour vos commentaires et votre humour